Les SIGB peuvent-ils faire l'impasse sur RDA ?

Paul Newman dans L'arnaque /George Roy Hill .- 1973

FRBR, FRAD, RDA : depuis plusieurs années la bibliosphère s'enthousiasme pour ces nouveaux concepts mais s'interroge sur les conséquences et délais de leur mise en œuvre. Comme pour le passage aux formats marc débuté il y a plus de 30 ans, beaucoup pensent qu'un des préalables est l'adaptation des systèmes de gestion de bibliothèques. Il s'agirait pour eux d'une remise à plat du modèle de données avec un fort impact sur le module de constitution du catalogue. Il faudrait également restructurer les catalogues et y insérer les données correspondant aux nouvelles entités introduites par ces concepts. Le chantier est donc immense et il serait dommage de prendre le risque de retarder l'adoption de ces normes dans l'attente d'une fonctionnalité qui, à y regarder de plus près, ne concerne que marginalement les SIGBs.

Augmentation du travail interne

Je me suis déjà longuement exprimé sur l'illusion de vouloir rédiger manuellement son catalogue, bibliographique mais surtout autorité, alors que l'on dispose d'outils logiciels pour le constituer automatiquement en récupérant les notices auprès de la Bibliothèque Nationale de France.Suivre les seules FRBR nécessite de disposer de deux nouveaux types de notices : expressions et œuvres. En conséquence, il faudra retraiter les catalogues pour y introduire ces nouvelles entités et établir les liens avec les notices des documents (manifestations). Pour les nouveautés, la tâche de constitution va donc être sensiblement alourdie même dans l'hypothèse d'une automatisation de la récupération de toutes les données auprès de la BnF.

Changer le système de gestion de bibliothèque.

Les incidences seront également importantes pour les SIGBs. Ils vont devoir modifier leur modèle de données et adapter le module de gestion du catalogue. Ce changement n'est pas anodin, ce qui signifie des temps, donc des coûts, importants de développement  Pour les bibliothèques cela voudra dire, a minima, un changement de version majeur de leur logiciel ou une réinformatisation complète. A l'aune de ce qui s'est passé pour les formats marc, cela veut dire au mieux 10 ans pour une disponibilité dans la majorité des établissements.

Une offre limitée.

Dans l'optique, la seule raisonnable, d'une récupération des notices, la bascule ne pourra se faire que si les données sont disponibles pour l'ensemble des documents chez les fournisseurs. Selon la page « à propos » du site data.bnf.fr,  « En juin 2013, le volume du site data.bnf.fr représente plus de 600 000 pages pointant vers 5,6 millions notices bibliographiques, vers plusieurs milliers de liens dans la base BnF archives et manuscrits, 40 % des catalogues de la BnF ».Comme cela s'est fait pour les documents, certains seront tentés de se servir de cette non-exhaustivité pour se lancer avec dans un catalogage manuel, garantie d'un chantier sans fin.

Et tout cela pour quoi ?

Ainsi décrite, la tâche apparaît immense et l'objectif inatteignable, alors que la solution est à portée de main pour peu que l'on change d'angle de vue.

D'après la BnF, « RDA constitue une initiative essentielle pour rénover les règles de catalogage pour :

  • faire évoluer la structure des catalogues afin de les adapter au contexte actuel de la recherche d’information ;

  • permettre aux catalogues de rendre les services attendus désormais par les usagers. »

Si l'on tient pour acquise la désintégration des SIGB, au moins pour la séparation des applications de gestion de bibliothèques et des portails, cette définition montre que RDA n'est d'aucune utilité pour la gestion du catalogue coté SIGB mais a été  conçu pour en améliorer la publication, ce qui relève de l'application en charge du portail.

RDA n'est qu'un aspect d'une évolution de la toile vers le web des données que les principaux CMS prennent déjà en compte. Drupal, par exemple, permet d'exposer ses données en RDF, d'interroger des sources extérieures avec le langage SPARQL et , un peu comme pour Z39.50, de constituer une passerelle WEB/SPARQL pour répondre à des requêtes d'autres sites.

Répartition des tâches.

Le désert des tartares/Valerio Zurlino. - 1976J'ai montré dans mon article "Les moteurs de recherche et notices enrichies vont ils tuer les autorités ?" que pour bénéficier des données de bnf.data.fr dans un portail, une condition nécessaire était de disposer pour chaque notice bibliographique ou autorité du numéro de notice BnF donc de synchroniser le catalogue local sur celui de la bibliothèque nationale. Cette fonctionnalité est du ressort du système de gestion de la bibliothèque et certains l'intègrent déjà.

La publication se fait sur le portail dont les systèmes de gestion permettent, dès à présent, d'exposer et lier des données conformément aux standards du web sémantique dont RDA n'est qu'un aspect.

Avec un tel partage des tâches, FRBR, FRAD et FRSAD peuvent être rapidement une réalité sans attendre une évolution lourde et inutile des SIGBs.